L'art de briser les cloisons

Mario Lambert

6 novembre 2008

Josée Beaudoin

En entrant dans le bureau d'un mathématicien, on s'attend à trouver des tonnes de bouquins, un tableau noirci de formules complexes et un scientifique sérieux. Toutefois, l'antre de Mario Lambert recèle des trésors beaucoup plus inattendus : deux cerceaux de oula-oup, une pleine boîte de vaisselle en plastique compostable, un vélo, du sucre pour faire de la barbe à papa à la framboise, un livre sur l'utilisation des maths dans la série Les Simpsons et un objet singulier fabriqué à partir d'une marche d'escalier et d'un manche de vadrouille. Je vous énumère ici seulement ce que j'ai vu, car ma petite gêne m'a empêchée de lui faire ouvrir ses tiroirs. Pour ce qui est du scientifique sérieux, on repassera, car le coordonnateur du Département de mathématiques est affable, accessible et drôle à souhait.

Tout le monde se parle

En poste depuis 2004, le coordonnateur et chargé de cours s'emploie à briser les cloisons, histoire de perpétuer l'esprit de collégialité qu'il a lui-même apprécié lors de son baccalauréat et sa maîtrise en mathématiques à l'Université. En termes clairs, il tient à ce que tout le monde se parle. Une fois sur le marché du travail, les étudiants en mathématiques seront appelés à collaborer avec des professionnels de l'informatique, de l'enseignement et de tous les domaines des sciences, alors aussi bien créer le contact tout de suite.

Rassembleur, Mario Lambert multiplie les activités propices aux échanges. Aussi, avec la complicité de Chantal Proulx, coordonnatrice en informatique, il a pimenté l'activité Réussir à l'Université en l'amenant hors du campus. Depuis quatre ans maintenant, tous les nouveaux étudiants en maths et en informatique qui désirent se familiariser avec le monde universitaire et maximiser leur chance de réussite partent en week-end de camping, quelques jours avant la rentrée. Cette année, 47 joyeux volontaires ont pris la route de La Patrie où les attendaient des cours simulés, divers ateliers et de beaux moments de loisirs. Le samedi soir, en avant la visite puisque les professeurs, les chargés de cours et les étudiants des trois cycles se joignent à la fête. «Lors de ce week-end, les nouveaux étudiants sont à même de voir qu'un prof d'université, ça ne mord pas! Ça peut aussi jouer au volley-ball et prendre une bière tranquille le samedi soir», raconte avec humour le gentil organisateur. Le jour de la rentrée, forts des liens tissés, les étudiants arrivent non pas en terre inconnue, mais en pays de connaissance.

Au calendrier des rencontres, il y a aussi les soupers de l'AMATHEUS, l'Association de matheux et matheuses de l'UdeS. Cette association, que Mario Lambert décrit comme très informelle, organise deux soupers par session dans un resto de Sherbrooke. Tous les gens du Département de mathématiques y sont conviés. L'objectif : fraterniser autour d'une bonne bouffe et de quelques bouteilles.

Prêcher la bonne nouvelle

En apprenant l'existence d'un programme de bourses du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada visant la promotion des sciences auprès des jeunes, Mario Lambert a tenté sa chance et ainsi obtenu son ticket pour partir en tournée à travers le Québec. À l'aube de sa 4^eannée comme conférencier, il a visité plusieurs écoles secondaires et une cinquantaine de cégeps différents pour répondre à la question «À quoi ça sert les maths?».

Pour allumer l'étincelle chez son auditoire, l'orateur démontre avec beaucoup d'humour et d'à-propos que, dans la vie quotidienne, il y a des mathématiques partout, même si on ne les voit pas toujours d'emblée. Comment arrive-t-on à corriger des défauts dans Photoshop? Grâce à des algorithmes mathématiques. Qu'est-ce qui se cache derrière Google? La résolution d'un système d'équations tel qu'on nous l'enseigne en secondaire 3 ou 4, mais en plus imposant. Ses explications sont celles d'un excellent vulgarisateur et ses démonstrations, celles d'un magicien qui se plaît à cultiver le suspense. Et sa magie opère. À preuve, Mario Lambert enseigne aujourd'hui à des étudiants qu'il a rencontrés lors de ses conférences.

Le bénévolat, c'est les vacances!

Chaque année, le coordonnateur prend une semaine de vacances bien méritée pour aller faire 100 heures de bénévolat à la Fête du lac des Nations à titre de premier répondant pour l'Ambulance Saint-Jean. Il a commencé à s'impliquer au sein de l'organisme en 1999 et il a vite gravi les échelons pour se retrouver directeur adjoint pour l'Estrie des services à la collectivité. Son poste implique une part de tâches administratives, mais c'est vraiment sur le terrain, avec les bénévoles, que Mario Lambert prend son pied et sa dose d'adrénaline. «Bien sûr, on ne souhaite jamais que quelqu'un se fasse mal, dit-il, mais si cela arrive, on est là, on est formés et on est prêts.»

Pourquoi?

Puisqu'en mathématiques, tout a une explication logique, impossible de conclure cet article sans élucider quelques pourquoi. Pourquoi Mario Lambert a-t-il deux cerceaux de oula-oup dans son bureau? Pour démontrer la théorie des graphes aux jeunes du primaire. Et pourquoi un livre sur l'utilisation des mathématiques dans les épisodes des Simpsons? Pour une conférence qu'il a donnée sur le sujet lors de la dernière journée Portes ouvertes. Et pourquoi le vélo? Parce qu'il l'enfourche matin et soir pour parcourir la distance Beauvoir-Sherbrooke. Et pourquoi la vaisselle en plastique compostable? C'est un surplus issu du week-end en camping de la rentrée. Et pourquoi le sucre à barbe à papa? Parce que la friandise était offerte lors de la fête foraine qu'il a organisée pour faire découvrir les mathématiques à des élèves du secondaire. Et l'objet fabriqué avec une marche d'escalier et un manche de vadrouille, c'est quoi au juste? C'est une reproduction des tours d'Hanoï, un jeu de réflexion qui consiste à déplacer des disques de diamètres différents d'une tour à l'autre en un minimum de coups.